vendredi 19 décembre 2008
Peinture à l’eau
courbe d'espoir drapé
et expirer des mots
déchiré puis saupoudré
d'éclats de fard noir;
Prendre les mains
et peindre les yeux
de courage et de flammes,
sans aller, s'en aller
vers le troisième refrain,
sceller d'un baiser
la mélodie du matin.
Se retourner et laisser couler
l'eau chaude sur les pieds
et courber le corps
aspiré puis sublimé
d'éclats de toi;
Puis regarder respirer
les corps immergés
Et laisser s'égarer
les rêves des jeunes filles fatiguées.
Où sur la montagne, loin du rivage
Elles dansent et trouvent un repos sage.
mercredi 12 novembre 2008
À ceux qui n'existent plus
Aujourd’hui, elle avait du mettre deux fois plus d'énergie à se lever. Elle s'était préparée encore plus vite et avait filé prendre le métro pour le bureau. Lui était resté allongé, corps immobile au milieu des draps froissés, une bonne partie de la matinée.
A cet instant de l’après-midi, elle avait envie de ne plus être elle-même mais elle faisait mine de rien. Assise à l'extrémité de la grande table en verre de la salle à manger, elle écrivait un courrier à sa banque. Lui restait impassible, les yeux fixés sur la course de voiture à laquelle il prenait part sur l'écran plat géant qu'ils avaient acheté ensemble et pas encore finis de payer. En tête de la course jusqu'à un dernier virage mal négocié, le voici qu'il se fait doubler par 3 concurrents avant la ligne d'arrivée. Sans réaction. D'habitude il aurait bondit hors du canapé, lâché des injures à la ronde pour évacuer la tension et justifier sa défaite. Au contraire, il se lève lentement pour éteindre la console de jeux et se rassois face à l'écran noir. Levant furtivement ses longs cils de temps à autres, elle l'observe, ne sachant plus comment réagir face à cet homme qu'elle découvre sous un jour nouveau à chaque fois que, petit à petit, elle s'éloigne de lui.
Etait-ce elle qui influait sur son comportement lorsqu'ils étaient si proches l'un de l'autre ? Maintenant qu'elle faisait semblant de ne plus s'intéresser à lui, ne retrouvait-il pas peu à peu une sorte d'équilibre ?
Elle se leva, alluma une cigarette et vint s'asseoir à coté de lui. Il ne bougeait pas et fixait toujours l'écran noir.
" Je crois que j'ai perdu" soupira t'il.
Elle sourit.
" On ne peut pas toujours gagner..."
Son visage, auparavant détendu, se crispa à l'idée d'accepter sa défaite. Il pensa à celui qu’il avait été toutes ces années durant et il lui semblait que maintenant il commençait à devenir quelqu’un d’autre. Il n'avait jamais été aussi impliqué dans les tâches ménagères que depuis leur séparation. Il n’avait jamais autant pensé à ses gestes ridicules qui égrenaient leur quotidien, à ses perversions projetées sur sa compagne sans chercher à la protéger, … Tous ces errements défilaient dans sa tête, il n’y avait qu’un moyen pour les digérer. Il savait qu’il était temps de passer à autre chose. Au risque de se noyer.
Mais elle, une fois de plus, n'était plus sûre d'elle. Comment abandonner définitivement cette image qu'elle avait de son homme, cette image à la fois douce et violente qui s'efface petit à petit. Elle voudrait lutter contre l'estompement des couleurs, la lente perte du gout des souvenirs. Elle y brule toute son énergie, elle sait que c'est en vain… mais elle doit le faire.
Elle ne posa pas sa main sur la sienne comme elle avait commencé à le faire, elle se leva et retourna s’asseoir à l’extrémité de la table en verre.
jeudi 6 novembre 2008
lundi 6 octobre 2008
Everytime
Quand invariablement,
lundi 11 août 2008
We like to stay
Sur un rivage incertain
Où nos souffles courts interrompent
les mouvements lents de nos reins
Mais comment ne pas céder à l'appel de la lune ?
À voir les étendues de glaces
fondre à la chaleur de nos âmes
je déverse un torrent de larmes
dans la vallée de tes seins
mercredi 11 juin 2008
Perte de substance
sur une colline défendue
Où jamais je n'aurais du
me perdre et me retrouver nu
Mais comment résister à l'attraction divine ?
d'une étoile sur laquelle se devine
les mouvements des nuages
dans des plaisirs immobiles"
mardi 27 mai 2008
Dieu est un cochon fluo (2)
"Ce n'est quand même pas croyable ! Sa connerie finira par le rattraper et nous foutre tous dans la merde, je l'ai toujours dit."
Celui qui s'exprimait ainsi se tenait face à une baie vitrée qui offrait une vue imprenable sur la vallée de Santa Monica qui s'étendait au pied de sa "tour de Babel". Le petit homme vêtu de blanc tentait en vain d'exprimer la colère sur son visage mais les nombreuses injections sous-cutanées de toxines botuliques et autres collagènes avaient bloquées toutes ses rides d'expression.
"Le monde entier nous fait confiance, des gouvernements reconnaissent notre statut de culte et il faut que notre plus célèbre adepte se prenne pour le messie en direct au risque de tout foutre en l'air. On aura l'air malin si il continue à débiner toutes les conneries dont on se sert pour lui bourrer le crâne !"
Son assistante, une jolie blonde dans la trentaine, replaça le curseur au début de l'enregistrement vidéo et s'apprêtait à repasser l'extrait qui avait causé la colère du guide spirituel lorsqu'une fenêtre « Skytalk » s'ouvrit à l'écran.
"Monsieur Mascegie, Tom est en ligne..."
"Dites lui d'aller se faire curer le cul pour voir si des tétans ne l'ont pas parasités !"
Liz savait que le guide ne pouvait pas s'exprimer de cette manière face à qui-que ce soit. Surtout Tom. Elle attendit donc quelques secondes que le silence se fasse dans la pièce et masqua son visage d'un sourire avant d'accepter la communication.
" Salut Tom ! Mark n'est pas disponible pour l'instant, nous gérons une important question idéologique, essaie de venir au QG au plus vite!"
" Je m'en doutais, Liz. C'est très urgent. Dis à Mark que j'ai vu les premiers signes... ils se manifestent partout depuis mon passage au « Late show » hier soir et ce matin j'ai appris une nouvelle incroyable, il faut absolument que je vous voie tout de suite !"
Mascegie vint se placer devant la webcam, il faisait manifestement un grand effort pour contenir sa colère même si il était impossible de la lire sur son visage.
"Hey Tom... comment va boy ? Qu’est ce que tu me raconte là ? ... Comment peux-tu être sur ? Tu connais comme moi les 11 éléments annonciateurs de la libération des âmes, nous ne pouvons annoncer ce genre de choses au monde sans un minimum de certitude... j'ai été déçu de ton comportement lors de l’enregistrement de l’émission d’O'Brian, qu’est ce qui t’a pris ? C’est son équipe de sale communistes qui t’a manipulée ?"
" Mais je n'ai dit que la vérité, Mark... au contraire, ce présentateur est un type bien, il a compris la sagesse qui était en moi, il savait que je n'étais pas un illuminé ou un charlatan. C'était l'occasion rêvée et surtout il était plus que temps pour moi de prendre la parole en notre nom à tous et de partager ce que j'avais appris au reste du monde. Depuis que j'ai quitté le plateau, tout est devenu plus clair : je sais maintenant où la mutation de nos corps imparfaits d'humains va commencer."
Elizabeth Perkins et son directeur se lançaient des regards ronds, ils savaient tous deux que tout ça n'étaient que mauvais présage... Et si Tom avait définitivement perdu la boule ? Il fallait arrêter ça de suite.
"Ok, Tom, si tel est le cas je veux te voir, viens à la tour immédiatement."
"Je ne peux pas."
" Comment ça, tu ne peux pas ? On t'envoie un hélico tout de suite si tu veux."
" Je ne suis plus à Los Angeles, je suis déjà parti."
Mark sortit quelques secondes du champ de la caméra pour donner un ordre du bras (qu'il dut recommencer deux fois car Liz n'avait pas compris) afin qu'elle localise l'appel pour le ramener au plus vite en "sécurité".
"Ok champion mais où es-tu ? tu veux que l'on vienne te donner un coup de main ?"
"Je suis à JFK, je vais m'envoler pour Moscou, il faudra faire partir la mission de là bas... il nous faudra un maximum d'adeptes...tu comprends pour la matière première au grand départ. Est-ce que nos scientistes ont terminé le prototype du GK5000 ?"
Mascegie n'en croyait plus ses oreilles, il en avait presque oublié que c'était lui qui montait Tom depuis des années avec ces histoires en lui dévoilant petit à petit de "nouveaux secrets" sans queue ni tête qu'il tirait de ses stupides bouquins de science-fiction de série Z qu'il lisait étant enfant. Il avait réduit Tom à la fonction de disciple docile et célèbre, d'une religion sans foi ni loi, sans point de départ ni de fin. Une religion basée sur le secret et l'unicité (la carotte); le mensonge et la menace (le bâton).
"On arrive tout de suite, Tom. Mais surtout ne fais rien sans nous !"
"Ok mais soyez sans crainte... l'âme de Ron L. Bobbard et de tous les Xénian de la galaxie est en moi."
Mark Mascegie leva les yeux au ciel et cliqua sur le téléphone rouge.
lundi 19 mai 2008
Dieu est un cochon fluo (1)
La pluie tombait avec ardeur sur les cochons fluorescents de Monsieur Ling. Ceux-ci pataugeaient et se roulaient dans la boue avec le plaisir d'un roi fainéant tandis que leur propriétaire gesticulait pour tenter de les faire rentrer dans l'enclos qui leur était consacré à l'arrière du "laboratoire".
Jack Runciter observait la scène à distance. Il était assis sur un tabouret en plastique devant le container préfabriqué qui lui servait de bureau, de chambre d'hôtel, de cuisine et de salle de bain. Le seul truc en dur que l'on puisse trouver à des milliers de kilomètres à la ronde. Cela faisait 4 jours qu'on l'avait largué en plein champ, en provenance direct de Londres. 9 heures de vol jusque Beijing puis le convoi routier qui roule sans interruption durant trois jours pour arriver au milieu de nulle part. Tout cela pour observer des cochons luminescents.
Il était déjà à maintes reprises parti en mission à l'étranger pour la société mais s'il n'avait été si déprimé, il n'aurait probablement pas accepté celle-ci. Tous les autres chercheurs l'avaient d'ailleurs tous refusée avant lui. Ce qui n'était pas étrange car normalement, les déplacements à l'étranger chez MD genetics sont souvent prétextes aux excès et à la luxure. Les scientifiques séjournent dans les plus grands hôtels et peuvent se faire payer les meilleurs restaurants et les meilleures dames de compagnies qu'ils soient à Djakarta, Bruxelles, Tokyo ou Sacramento. Mais cette fois-ci tout était différent. S'il avait du choisir un mot pour définir sa mission, il aurait sans aucun doute choisi le mot "burlesque".
Mr Ling revenait vers lui tenant dans sa main droite un vieux seau en fer et son pantalon de l'autre. Un de ces pantalons très simple en tissus comme portent quasiment tout les paysans chinois. Le reste de sa tenue était moins traditionnel, il avait une casquette des New York Knicks vissée sur la tête et l'on pouvait reconnaitre l’Oncle Picsou flanqué de ses inséparables neveux Riri, Fifi et Loulou sur le t-shirt trop grand et maculé de boue du fermier.
- "No rain, no water...no water, no food...too much rain, too much water... too much water, no food" lança t'il à l'intention de Jack qui n'était pas sur d'avoir saisi ce que voulait dire le vieil homme.
- "Yes, rain, lot of water...too much" lui répondit-il.
- "Pigs like the rain. Me, don't like. I prefer sun"
- "Me too" sourit Jack. Il était content que le bougre ait eu un minimum de notion d’Anglais pour pouvoir esquisser une discussion de temps en temps.
Les porcinets barbotaient toujours dans la boue et le faisait penser à Ben, son neveu qui avait passé tout l'été dernier dans la piscine gonflable qu'il avait installée dans le jardin de sa maison de Preston. Il serait stupéfait si il lui ramenait un de ces spécimens pensa t'il. Il s’imaginait déjà la scène, Ben continuant à s'amuser dans l'eau à la tombée de la nuit, éclairé par le seul reflet de la Lune et sa truie lumineuse de compagnie. Il commença à sourire mais il se dit qu'après tout, tout cela avait peu de sens... Ces cochons avaient peu de chances de se retrouver sur le marché des lampes de jardin et Ben était définitivement reparti avec sa mère en Australie.
C'est à la même époque que les autorités de la province de Gansu, en Chine, avaient prises contact avec MD genetics à Greenwich. Les dirigeants de MDG, et particulièrement le directeur des recherches Kevin Gallagher, n’avaient pas immédiatement pris leurs déclarations au sérieux. Ils prétendaient qu'une équipe de chercheur de l'université de Harbin, qui travaille sur les Organismes génétiquement modifiés, avait réussi à insérer une protéine fluorescente de méduses dans l’ADN d’embryons de cochons provenant d'un élevage du sud de la province de Gansu. Ils souhaitaient maintenant déposer et vendre une licence pour des porcs génétiquement modifiés aux différentes entreprises ayant trait aux animaux artificiels. Malgré leurs doutes, MDG étant une des entreprises pionnière en la matière des organismes vivants modifiés, ils ne souhaitaient en aucun cas laisser une opportunité de collaboration avec des experts orientaux à leurs concurrents. Il avait été décidé d’envoyer un de leurs meilleurs éléments sur place pour être en contact direct avec les chinois et surveiller de près ces spécimens, la découverte était trop belle pour laisser quoi que ce soit au hasard.
Mais quelle utilité pouvait-on bien trouver à des cochons fluorescents ? C'était certes assez spectaculaire de les voir rejeter la lumière du soleil dans des teintes vert-jaune une fois la nuit venue mais "énergétiquement" et scientifiquement parlant cela restait une transformation mineure. Et on ne pouvait parler d'une réelle utilité pratique...
Mr Ling et sa femme non plus ne comprenaient pas non l'intérêt porté à leurs cochons. La veille, une équipe de la télévision nationale Chinoise était venue par hélicoptère effectuer un reportage en exclusivité. Le couple de paysan était très excité à l'idée de présenter "leurs bébés". Ils pensaient à leurs relations et à la famille disséminée dans toute la région découvrant simultanément leurs faces dans le poste de télévision, mais ils ne pouvaient en aucun cas s'imaginer le fait qu'un bon milliard de chinois allaient simultanément se partager les images de leurs cochons psychédéliques et encore moins penser aux satellites relayant tout autour du globe les signaux numériques provenant de leur lopin de terre perdu au milieu de la campagne cantonaise. Hors, qui peut imaginer les conséquences inattendues que nous réservent ces deux animaux...
jeudi 15 mai 2008
A crystal glass full of sugar
The weapon was her thighs
I was naked from the feet to the eye
But when she shot me in the dark
She only got the crystal glass
lundi 7 avril 2008
Je suis un voyeur
Travels through the night and hits my eyes
Instead of filling data tables,
I prefer...
Watching the shade of Deimos darkening the eye of a webcam
as the image travels through time and as I watch it live
There is no window in my office so
Instead of filling data tables,
I prefer keeping an eye on Mars.
mercredi 19 mars 2008
Nouvelle Star
Il faisait beau quand je suis sorti de chez moi ce matin. Vraiment beau. Vous allez me dire, nous ne sommes plus qu'à quelques jours du printemps, quoi de plus normal que de retrouver des matins aux reflets dorés. Ce qui était un peu plus anormal c'est qu’alors que je sortais mes lunettes de soleil Aviateur (« ringardement tendance »), des grêlons de tailles diverses se mirent à tomber. Certes, quelques nuages étaient perchés assez haut dans le ciel mais je me parvenais difficilement à m'expliquer la différence de température qu'il pouvait y avoir entre la masse d'air que je fréquentais et celle qui fonctionnait comme un réfrigérateur quelques centaines de mètres au dessus de ma tête. Anyway, chaque jour nous apporte son nouveau lot de curiosités naturelles. Cela fait bien évidemment des années que l'on nous l'annonce mais depuis un an, tout semble s'être vraiment accéléré. On a vu d'étranges fleurs émerger de nos parterres et des insectes aux proportions romanesques sont apparus dans les airs. Il en va de même pour les centaines de perruches et autres oiseaux exotiques qui semblent s'être définitivement installés dans certains parcs de la capitale. Les regards ont quand même un peu de mal à s'habituer aux pelages multi-colorés qui voltigent des chênes aux érables et viennent côtoyer les pigeons sur les statues verdies par un siècle de pluies acides.
Quand je suis arrivé au bureau, la grêle avait cessé: la lumière blanche des néons de l'open-space du dernier étage était rehaussée par les rayons jaunes de l'astre qui se glissaient entre les stores vénitiens. J'eus envie un instant d'enlever mes vêtements et partir courir dans cette nature en mutation. Certaines personnes souriaient, peut-être avaient elles lu dans mes pensées ? Je me fraie un chemin dans le dédale de moquettes et de cloisons modulables jusque ma station de travail. J'allume l'instrument de torture. La dalle lumineuse s'éclaire de 65536 couleurs. Il n'y en a pas une qui me plait vraiment.
Comme tous les matins, j'ai besoin non pas d'un café mais d'information. Ça tombe bien, depuis 10 ans, elle a envahi nos espaces privés et communs. Elle est maintenant omniprésente et disponible à chaque instant. Sur le mur de fond de la salle de réunion, posée négligemment sur une chaise, dans la poche de la grande brune aux jambes interminables qui me regarde, dans l'avion qui passe au dessus de votre tête en ce moment précis ou encore dans l'ordinateur portable posé sur le bord du lit dans lequel vous vous reproduisez... le monde entier fait quelques nanomètres et se passe le message via des boites de conserve en orbite. Je suis accro. L'information immédiate est ma religion. Elle est si immédiate que j'ai parfois la désagréable impression qu'elle précède l'événement. Un problème de décalage horaire sans doute.
Les os de mon index se contractent et font rouler la boule de caoutchouc qui fait défiler les caractères. Tous pareils mais tous assemblés différemment. Aucune information ne peut normalement venir troubler le flux continu de l’actualité mondiale. Aucune. Sauf celle que je viens de lire et dont je ne peux détourner le regard...
Hier, un homme est mort. A des milliers de kilomètres d'ici. D'une longue maladie. Je lis l'information à 9h37 ce matin. Pourtant les "fils-info" de tous les sites journalistiques du monde entier annonçaient la nouvelle dans un communiqué laconique hier soir aux alentours de 23h44. Mais tous les écrans étaient éteints chez moi.
Hier soir à minuit moins seize, je ne dormais pas encore. Je lisais Arthur C. Clarke. Non pas sur un écran tactile, ni sous-titré dans un documentaire scientifique projeté en 65536 couleurs mais bien dans un livre. Pas un e-book, un vieux "J'ai lu" jauni des années soixante-dix. Et je souriais. Clarke me racontait l’histoire d’une belle-mère acariâtre et d’une Orchidée tueuse géante. Métaphore. Ses nouvelles sont toujours dotée d’un humour élégant, contiennent peu d’informations mais sont bourrées de sens.
C’est lui qui a eu cette idée visionnaire d’envoyer des émetteurs-récepteurs dans l’espace pour permettre aux humains de communiquer instantanément entre eux. Il a ensuite imaginé un réseau de machines reliées entre elles et des terminaux où chaque individu pourrait se connecter, s’identifier et rassembler des informations pour lui et pour ses pairs. Un beau projet d’hyper-communication, farfelu pour l’époque, n’intéressant que militaires et scientifiques. Mais moins de dix ans après ses divagations théoriques, le premier satellite de communication gravitait déjà au dessus de nos têtes et cinq ans plus tard le premier réseau informatique mondial était en place…
Maintenant posons nous la question... Si le tissu des relations humaines dans lequel nous vivons a découlé de l'imagination fertile d'un scientifique de génie... Arriverons-nous à garder un quelconque sens, maintenant que plus personne ne peut nous dire comment on en est arrivés là ? Quel était l’objectif de départ ?
Militaire ? Humaniste ? Scientifique ? Philosophique ? Impossible de le savoir en regardant mon écran 65536 couleurs. Heureusement, il nous reste les livres aux pages jaunies pour peut-être nous éclairer…
"Before you become too entranced with gorgeous gadgets and mesmerizing video displays, let me remind you that information is not knowledge, knowledge is not wisdom, and wisdom is not foresight. Each grows out of the other, and we need them all.
Arthur C.Clarke (1917 - 2008)
mardi 18 mars 2008
mercredi 12 mars 2008
Un amant "Number-one"
Cela faisait plus de 20 minutes qu'elle attendait seule sur un banc le long des étangs. Il ne faisait pas très chaud mais il ne faisait pas froid non plus. Le ciel alourdi par une épaisse couche de nuages cotonneux semblait toucher la cime des sapins qui marquaient la limite de parc. Il était presque 13 heures et elle commençait à se dire que, à l'instar du soleil, son amant ne se montrerait probablement pas aujourd'hui.
Quelques dizaines de mètres plus haut, tenant un petit écrin rouge à la main, Monsieur Laroche-Vattel (magnat de l'hamburger "number one" et autres cervelas en tout genre) descendait sans élégance de sa grosse "BMW ZX13- 5portes - 360cv - moteur TDI - allume-cigare électronique". Il portait un costume jaune d'automne, une chemise blanche à fines rayures bleu et des chaussures en cuir noir assez usées. Rien qui ne pouvait le rattacher à une quelconque catégorie de Dandys métro-sexuel ou d'intellectuels séducteurs. En fait, aperçu de loin par quelques alcooliques myopes, il aurait pu être confondu avec un jeune faon tant ses mouvements et sa démarche relevaient de l'immaturité, de l'excitation incontrôlée et du manque total de confiance en soi. Laissant tour à tour tomber l'écrin, ses clefs de contact, puis de nouveau le précieux écrin en essayant de verrouiller son automobile, il lâcha quelques jurons mal choisi à destination de sa portière récalcitrante: ce furent des "Putain de bordel de pute", "Salope de prisunic" et autres partouzes de champs lexicaux qui se succédèrent durant de longues secondes. Une fois calmé et la voiture sécurisée, le quinquagénaire dégarni entreprit de s'ajuster avant d'aller à la rencontre de sa dulcinée qui, il l'espérait malgré son impardonnable retard, serait toujours là. Il plaqua son unique mèche de cheveux graisseux d'un geste mal-assuré et tenta de repousser sans succès des poils de nez qui venaient lui chatouiller les lèvres. Puis, dans un soupir profond pour expurger l'excédent de stress, il commença à descendre les marches qui menaient aux étangs.
Il ne viendrait pas. Il n'avait donc pas accepté sa folle proposition. Elle était étrangement assez soulagée. Cela faisait pourtant un mois que leur relation durait. Elle n'avait pas dû forcer le destin pour la commencer et elle n'était franchement pas partie sur de mauvaises bases. Bien sûr la différence d'âge l'avait immédiatement amenée en terrain dangereux. Mais elle se disait souvent que les obstacles que la société mettait sur le chemin des couples "marginaux" étaient là pour encore plus renforcer leur amour. Et puis elle n'était plus si jeune, elle approchait la trentaine et même si Jean-Claude n'était plus le grand bel étalon dont elle rêvait, elle lui trouvait néanmoins une certaine jeunesse d'esprit, notamment quand il lui récitait les plus beaux textes érotiques de Guillaume Appolinaire. Mais depuis ce dernier soir où elle lui avait posé la question fatidique et qu'il semblait en avoir été troublé, plus rien n'était pareil. Elle avait subitement cessé de penser à lui....
L’énervement de Jean-Claude Laroche-Vattel n'était pas uniquement dû à l'excitation de revoir sa maitresse mais bien au fait qu'il ne se sentait plus au commande de leur relation. Elle avait pourtant assez bien commencée. Comme d'habitude il avait fait montre de tact et de charme pour séduire la jeune demoiselle qui avait assez facilement craqué. Il l'avait alors emmenée faire le tour de ses restaurants habituels et elle ne s'était pas montrée pudique quand il avait fallut satisfaire ses délicates envies. Mais alors que leurs chassés-croisés amoureux ne duraient que depuis trois semaines, elle l'avait littéralement cloué au sol, incapable de réagir face à une proposition des plus saugrenues. Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête ? se demandait-il. Aucune femme au monde n'avait jamais osé imaginer un stratagème aussi tordu. Il aurait dû prendre ses jambes à son cou et rapidement oublier cette petite. Mais il s'en sentait totalement incapable. Et le voilà maintenant qu'il se dirigeait vers elle, beauté assise sur un banc, en contrebas, au bord de l'étang.
Alors qu'elle allait se lever pour se diriger vers la sortie du parc, Ludivine perçut le souffle court de son amant qui avait atteint le bas de l'escalier. Elle se retourna et s'efforça de sourire quand elle le vit si pitoyable. Son costume était tout frippé et il était au bord de la crise d'asthme. Elle lui laissa reprendre sa respiration et un rythme cardiaque constant avant de se diriger vers lui.
- "Ludivine, s'il te plait ma chérie, excuse mon inaaaaadmiiiiissible retard"
Il l'embrassa.
- "Tu es finalement venu" lui dit-elle.
- "Oui"
- "C'est... C'est merveilleux"
Il l'embrassa de nouveau.
- "Tu sais, tu ne m'a pas laissé l'esprit tranquille la dernière fois..." commença Jean-Claude, créant chez elle une subite montée d'angoisse : non seulement il avait osé venir mais en plus il avait réfléchi à sa proposition... Ces dernières heures, elle avait tant espéré qu'il aurait oublié ou fait semblant d'oublier cet épisode. Il lui fallait mettre un terme à ce malentendu et vite.
- "J'ai... j'ai beaucoup réfléchi aussi, tout cela était peut-être, enfin, c'était trop..." tenta-elle maladroitement.
- "Ne dis rien" intervint Jean-Claude tout en posant un doigt sur la bouche de sa maîtresse.
Il captura un instant son regard. Ses yeux étaient grand ouverts, miroirs hésitants prêt à engloutir le petit monde de Laroche-Vattel dans des remous bleu-verts. Il voulait sortir le précieux écrin de sa poche mais il se rendit compte que ses mains étaient moites et qu'il tremblait. Tout était si confus. Le simple contact des lèvres de Ludivine lui avait fait oublier les kilomètres de problèmes qu'une relation débridée avec cette jeune femme allait engendrer. "Comment fait-elle pour rester si impassible en ce moment crucial de nos vies ?" se demanda t'il. "Et si elle me manipulait ?" Non, c'était impossible. Du moins, il était trop amoureux pour l'envisager sérieusement.
Et si lui, la manipulait ? Ce serait un bon moyen de garder cette folie amoureuse sous contrôle, sous son contrôle...
Le silence se faisait long et Ludivine ne parvenait plus à soutenir le regard allumé de son amant-directeur-général. Cela faisait plus d’une minute qu’il la regardait en silence, triturant quelque chose dans sa poche droite. Il est peut-être aussi perdu que moi pensa t’elle…
Il faisait tout pour trouver une échappatoire logique et satisfaisante à son délire amoureux. Il tentait de se focaliser sur l’avenir proche, le lendemain, savoir en quoi il serait différent si il cédait à cette folie adolescente… Mais ses pensées perdaient de leur intensité au fur et à mesure qu’il se noyait dans le désir. Dorénavant incapable de contrôler les flux de son corps et de son esprit, Laroche-Vattel plongea la tête dans les bonnets de sa maitresse et des larmes commencèrent à perler sur le revers des balcons de soie noire protégeant les deux mamelles.
Love dreams are sometimes quite apocalyptical
I see the sky's changing its mind
It's looking for darker times
in our age of datalines
Then I call you by your name
and tell you not be afraid
of what's happening here above
of what's happening in our love
and the blue sky burst into flames
then fall down into rain
I grab your hand, it's end of the world
I grab your hand, you don't say a word
and the ashes are falling on us
and we are feeling the ashes on us
Do we still feel while it's the end of the world ?
Will we be free at the end of the world ?