mercredi 19 mars 2008

Nouvelle Star

Il faisait beau quand je suis sorti de chez moi ce matin. Vraiment beau. Vous allez me dire, nous ne sommes plus qu'à quelques jours du printemps, quoi de plus normal que de retrouver des matins aux reflets dorés. Ce qui était un peu plus anormal c'est qu’alors que je sortais mes lunettes de soleil Aviateur (« ringardement tendance »), des grêlons de tailles diverses se mirent à tomber. Certes, quelques nuages étaient perchés assez haut dans le ciel mais je me parvenais difficilement à m'expliquer la différence de température qu'il pouvait y avoir entre la masse d'air que je fréquentais et celle qui fonctionnait comme un réfrigérateur quelques centaines de mètres au dessus de ma tête. Anyway, chaque jour nous apporte son nouveau lot de curiosités naturelles. Cela fait bien évidemment des années que l'on nous l'annonce mais depuis un an, tout semble s'être vraiment accéléré. On a vu d'étranges fleurs émerger de nos parterres et des insectes aux proportions romanesques sont apparus dans les airs. Il en va de même pour les centaines de perruches et autres oiseaux exotiques qui semblent s'être définitivement installés dans certains parcs de la capitale. Les regards ont quand même un peu de mal à s'habituer aux pelages multi-colorés qui voltigent des chênes aux érables et viennent côtoyer les pigeons sur les statues verdies par un siècle de pluies acides.

Quand je suis arrivé au bureau, la grêle avait cessé: la lumière blanche des néons de l'open-space du dernier étage était rehaussée par les rayons jaunes de l'astre qui se glissaient entre les stores vénitiens. J'eus envie un instant d'enlever mes vêtements et partir courir dans cette nature en mutation. Certaines personnes souriaient, peut-être avaient elles lu dans mes pensées ? Je me fraie un chemin dans le dédale de moquettes et de cloisons modulables jusque ma station de travail. J'allume l'instrument de torture. La dalle lumineuse s'éclaire de 65536 couleurs. Il n'y en a pas une qui me plait vraiment.

Comme tous les matins, j'ai besoin non pas d'un café mais d'information. Ça tombe bien, depuis 10 ans, elle a envahi nos espaces privés et communs. Elle est maintenant omniprésente et disponible à chaque instant. Sur le mur de fond de la salle de réunion, posée négligemment sur une chaise, dans la poche de la grande brune aux jambes interminables qui me regarde, dans l'avion qui passe au dessus de votre tête en ce moment précis ou encore dans l'ordinateur portable posé sur le bord du lit dans lequel vous vous reproduisez... le monde entier fait quelques nanomètres et se passe le message via des boites de conserve en orbite. Je suis accro. L'information immédiate est ma religion. Elle est si immédiate que j'ai parfois la désagréable impression qu'elle précède l'événement. Un problème de décalage horaire sans doute.

Les os de mon index se contractent et font rouler la boule de caoutchouc qui fait défiler les caractères. Tous pareils mais tous assemblés différemment. Aucune information ne peut normalement venir troubler le flux continu de l’actualité mondiale. Aucune. Sauf celle que je viens de lire et dont je ne peux détourner le regard...

Hier, un homme est mort. A des milliers de kilomètres d'ici. D'une longue maladie. Je lis l'information à 9h37 ce matin. Pourtant les "fils-info" de tous les sites journalistiques du monde entier annonçaient la nouvelle dans un communiqué laconique hier soir aux alentours de 23h44. Mais tous les écrans étaient éteints chez moi.

Hier soir à minuit moins seize, je ne dormais pas encore. Je lisais Arthur C. Clarke. Non pas sur un écran tactile, ni sous-titré dans un documentaire scientifique projeté en 65536 couleurs mais bien dans un livre. Pas un e-book, un vieux "J'ai lu" jauni des années soixante-dix. Et je souriais. Clarke me racontait l’histoire d’une belle-mère acariâtre et d’une Orchidée tueuse géante. Métaphore. Ses nouvelles sont toujours dotée d’un humour élégant, contiennent peu d’informations mais sont bourrées de sens.

C’est lui qui a eu cette idée visionnaire d’envoyer des émetteurs-récepteurs dans l’espace pour permettre aux humains de communiquer instantanément entre eux. Il a ensuite imaginé un réseau de machines reliées entre elles et des terminaux où chaque individu pourrait se connecter, s’identifier et rassembler des informations pour lui et pour ses pairs. Un beau projet d’hyper-communication, farfelu pour l’époque, n’intéressant que militaires et scientifiques. Mais moins de dix ans après ses divagations théoriques, le premier satellite de communication gravitait déjà au dessus de nos têtes et cinq ans plus tard le premier réseau informatique mondial était en place…

Maintenant posons nous la question... Si le tissu des relations humaines dans lequel nous vivons a découlé de l'imagination fertile d'un scientifique de génie... Arriverons-nous à garder un quelconque sens, maintenant que plus personne ne peut nous dire comment on en est arrivés là ? Quel était l’objectif de départ ?

Militaire ? Humaniste ? Scientifique ? Philosophique ? Impossible de le savoir en regardant mon écran 65536 couleurs. Heureusement, il nous reste les livres aux pages jaunies pour peut-être nous éclairer…


"Before you become too entranced with gorgeous gadgets and mesmerizing video displays, let me remind you that information is not knowledge, knowledge is not wisdom, and wisdom is not foresight. Each grows out of the other, and we need them all.

Arthur C.Clarke (1917 - 2008)

mardi 18 mars 2008

Titre de blog #2

The best way not to show that you are crying is to put your head underwater.

mercredi 12 mars 2008

Titre de blog #1

La vérité sort de la bouche des machines

Un amant "Number-one"

Cela faisait plus de 20 minutes qu'elle attendait seule sur un banc le long des étangs. Il ne faisait pas très chaud mais il ne faisait pas froid non plus. Le ciel alourdi par une épaisse couche de nuages cotonneux semblait toucher la cime des sapins qui marquaient la limite de parc. Il était presque 13 heures et elle commençait à se dire que, à l'instar du soleil, son amant ne se montrerait probablement pas aujourd'hui.

Quelques dizaines de mètres plus haut, tenant un petit écrin rouge à la main, Monsieur Laroche-Vattel (magnat de l'hamburger "number one" et autres cervelas en tout genre) descendait sans élégance de sa grosse "BMW ZX13- 5portes - 360cv - moteur TDI - allume-cigare électronique". Il portait un costume jaune d'automne, une chemise blanche à fines rayures bleu et des chaussures en cuir noir assez usées. Rien qui ne pouvait le rattacher à une quelconque catégorie de Dandys métro-sexuel ou d'intellectuels séducteurs. En fait, aperçu de loin par quelques alcooliques myopes, il aurait pu être confondu avec un jeune faon tant ses mouvements et sa démarche relevaient de l'immaturité, de l'excitation incontrôlée et du manque total de confiance en soi. Laissant tour à tour tomber l'écrin, ses clefs de contact, puis de nouveau le précieux écrin en essayant de verrouiller son automobile, il lâcha quelques jurons mal choisi à destination de sa portière récalcitrante: ce furent des "Putain de bordel de pute", "Salope de prisunic" et autres partouzes de champs lexicaux qui se succédèrent durant de longues secondes. Une fois calmé et la voiture sécurisée, le quinquagénaire dégarni entreprit de s'ajuster avant d'aller à la rencontre de sa dulcinée qui, il l'espérait malgré son impardonnable retard, serait toujours là. Il plaqua son unique mèche de cheveux graisseux d'un geste mal-assuré et tenta de repousser sans succès des poils de nez qui venaient lui chatouiller les lèvres. Puis, dans un soupir profond pour expurger l'excédent de stress, il commença à descendre les marches qui menaient aux étangs.

Il ne viendrait pas. Il n'avait donc pas accepté sa folle proposition. Elle était étrangement assez soulagée. Cela faisait pourtant un mois que leur relation durait. Elle n'avait pas dû forcer le destin pour la commencer et elle n'était franchement pas partie sur de mauvaises bases. Bien sûr la différence d'âge l'avait immédiatement amenée en terrain dangereux. Mais elle se disait souvent que les obstacles que la société mettait sur le chemin des couples "marginaux" étaient là pour encore plus renforcer leur amour. Et puis elle n'était plus si jeune, elle approchait la trentaine et même si Jean-Claude n'était plus le grand bel étalon dont elle rêvait, elle lui trouvait néanmoins une certaine jeunesse d'esprit, notamment quand il lui récitait les plus beaux textes érotiques de Guillaume Appolinaire. Mais depuis ce dernier soir où elle lui avait posé la question fatidique et qu'il semblait en avoir été troublé, plus rien n'était pareil. Elle avait subitement cessé de penser à lui....

L’énervement de Jean-Claude Laroche-Vattel n'était pas uniquement dû à l'excitation de revoir sa maitresse mais bien au fait qu'il ne se sentait plus au commande de leur relation. Elle avait pourtant assez bien commencée. Comme d'habitude il avait fait montre de tact et de charme pour séduire la jeune demoiselle qui avait assez facilement craqué. Il l'avait alors emmenée faire le tour de ses restaurants habituels et elle ne s'était pas montrée pudique quand il avait fallut satisfaire ses délicates envies. Mais alors que leurs chassés-croisés amoureux ne duraient que depuis trois semaines, elle l'avait littéralement cloué au sol, incapable de réagir face à une proposition des plus saugrenues. Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête ? se demandait-il. Aucune femme au monde n'avait jamais osé imaginer un stratagème aussi tordu. Il aurait dû prendre ses jambes à son cou et rapidement oublier cette petite. Mais il s'en sentait totalement incapable. Et le voilà maintenant qu'il se dirigeait vers elle, beauté assise sur un banc, en contrebas, au bord de l'étang.

Alors qu'elle allait se lever pour se diriger vers la sortie du parc, Ludivine perçut le souffle court de son amant qui avait atteint le bas de l'escalier. Elle se retourna et s'efforça de sourire quand elle le vit si pitoyable. Son costume était tout frippé et il était au bord de la crise d'asthme. Elle lui laissa reprendre sa respiration et un rythme cardiaque constant avant de se diriger vers lui.

- "Ludivine, s'il te plait ma chérie, excuse mon inaaaaadmiiiiissible retard"

Il l'embrassa.

- "Tu es finalement venu" lui dit-elle.

- "Oui"

- "C'est... C'est merveilleux"

Il l'embrassa de nouveau.

- "Tu sais, tu ne m'a pas laissé l'esprit tranquille la dernière fois..." commença Jean-Claude, créant chez elle une subite montée d'angoisse : non seulement il avait osé venir mais en plus il avait réfléchi à sa proposition... Ces dernières heures, elle avait tant espéré qu'il aurait oublié ou fait semblant d'oublier cet épisode. Il lui fallait mettre un terme à ce malentendu et vite.

- "J'ai... j'ai beaucoup réfléchi aussi, tout cela était peut-être, enfin, c'était trop..." tenta-elle maladroitement.

- "Ne dis rien" intervint Jean-Claude tout en posant un doigt sur la bouche de sa maîtresse.

Il captura un instant son regard. Ses yeux étaient grand ouverts, miroirs hésitants prêt à engloutir le petit monde de Laroche-Vattel dans des remous bleu-verts. Il voulait sortir le précieux écrin de sa poche mais il se rendit compte que ses mains étaient moites et qu'il tremblait. Tout était si confus. Le simple contact des lèvres de Ludivine lui avait fait oublier les kilomètres de problèmes qu'une relation débridée avec cette jeune femme allait engendrer. "Comment fait-elle pour rester si impassible en ce moment crucial de nos vies ?" se demanda t'il. "Et si elle me manipulait ?" Non, c'était impossible. Du moins, il était trop amoureux pour l'envisager sérieusement.

Et si lui, la manipulait ? Ce serait un bon moyen de garder cette folie amoureuse sous contrôle, sous son contrôle...

Le silence se faisait long et Ludivine ne parvenait plus à soutenir le regard allumé de son amant-directeur-général. Cela faisait plus d’une minute qu’il la regardait en silence, triturant quelque chose dans sa poche droite. Il est peut-être aussi perdu que moi pensa t’elle…

Il faisait tout pour trouver une échappatoire logique et satisfaisante à son délire amoureux. Il tentait de se focaliser sur l’avenir proche, le lendemain, savoir en quoi il serait différent si il cédait à cette folie adolescente… Mais ses pensées perdaient de leur intensité au fur et à mesure qu’il se noyait dans le désir. Dorénavant incapable de contrôler les flux de son corps et de son esprit, Laroche-Vattel plongea la tête dans les bonnets de sa maitresse et des larmes commencèrent à perler sur le revers des balcons de soie noire protégeant les deux mamelles.

Mais, diable, que cet homme était à mille lieux de ses idéaux masculins pensa Ludivine alors que Jean-Claude venait de fondre en larmes dans son corsage... Comment avait-elle pu oublier toutes ses expériences infructueuses qui lui avaient permise de construire son image de l'homme-amant à l'opposé de celle de son pitoyable père ? Et voilà maintenant que son désespoir affectif l'avait amenée à formuler une proposition plus qu'indécente, limite psychotique, à un vieil homme quasi impuissant. Il n'était même pas séduisant avec son crâne dégarni, sa peau grasse, et ses gros yeux cernés de pourpre qui contrastaient avec ses fausses dents éclatantes. Toutes ses pensées traversaient son esprit alors que Jean-Claude ne pouvait desserrer son étreinte et continuait à sangloter comme un bébé en sevrage des tétons mous de sa mère. Des gens approchaient sur le sentier et elle se disait qu'elle aurait l'air bien ridicule quand ils la découvriraient avec un grand-père pleurant à chaudes larmes entre ses seins.

Love dreams are sometimes quite apocalyptical

I look at the horizon and not so far
I see the sky's changing its mind

It's looking for darker times
in our age of datalines

Then I call you by your name
and tell you not be afraid
of what's happening here above
of what's happening in our love

and the blue sky burst into flames
then fall down into rain
I grab your hand, it's end of the world
I grab your hand, you don't say a word

and the ashes are falling on us
and we are feeling the ashes on us

Do we still feel while it's the end of the world ?
Will we be free at the end of the world ?